Il y a des gens qui me disent que on voit pas bien les parties sombres de la photo. Mais moi je trouve que c'est bien qu'on voit pas les parties sombres de la photo. Qu'en pensez-vous ? Votez !
Sur Commons : File:Monument aux morts de Job de dos.jpg
Il contemplait son portable, puis il tourna les yeux vers moi et me répondit, d'un ton simple et convaincu. Et puis me dit qu'il n'avait rien d'autre à dire.
Elles me dirent oui, puis redisposèrent leur petit groupe de façon à ne pas me voir. Je n'ai rien fait, elles m'ont redit oui oui comme si je n'avais pas compris, et se sont re-re-disposées pour m'ignorer. Je leur ai dit au revoir, et nous nous sommes séparés en bons termes.
Et voilà le chemin que j'ai évoqué précédemment !
Sur Commons : File:Chemin près des cabanes.jpg
Je lui dis des oignons pour revenir avec des spaghettis. Elle dit des spaghettis carbonara lardons oignons crème fraiche. Non que des oignons que je dis. Non qu'elle dit t'es pas normal. Mais pourquoi que je mettrais pas que des oignons si j'ai envie ? Parce que. Oignons lardons crème fraiche avec un chouilla de muscade et ne discutes pas.
Oui pour aller draguer elle vous va très bien
Elle venait voir un peu la forêt. Dans ce coin pas loin du village on pourrait se croire dans la jungle, pourtant il est à l'entrée d'une vaste clairière. Elle supervise l'installation de panneaux de signalisation : dans la jungle, il faut valoriser l'existant, et quand il y a un "chemin", il faut un panneau "ici, chemin". Et surtout il y a là une amie qui a monté tout un système éducatif centré sur les cabanes et ça c'est vraiment extraordinaire ces cabanes de gamins.
Assise sur un banc. Acquiescement distant au sujet de mon sac. Elle prend un air renfrogné. Puis une pointe de sourire. À la fin je range mon sac et elle me dit merci.
Je réfléchis beaucoup à partir de mots que je trouve et qui sont comme des fils, que si on les tire, il arrive tout un ensemble de choses qu'on n'imaginait pas. Ils ne sont pas forcément importants en eux-mêmes, mais ce qu'ils donnent à voir, ce qu'ils permettent de découvrir est important.
Ainsi le fixeur, la fixeuse. J'ai découvert la notion par le livre de Zrinka Stahuljak, Les fixeurs au Moyen Âge : histoire et littérature connectées. Ce sont des gens qui habitent dans des zones de conflits, ou en tous cas difficiles, et que des militaires ou des journalistes ou n'importe qui d'autres payent pour les aider à y intervenir auprès de la population. Il y a toujours un aspect contact humain, et notamment de traduction des langages. Ce sont des zones étrangères au commanditaire en général, mais il est apparu que la télévision française payait des fixeuses pour intervenir dans... la banlieue parisienne - ça s'est mal passé. Le terme fixeur est lui-même un anglicisme, d'une traduction approximative, le terme original voulant dire quelque chose comme "solution" : en informatique, on "fix a bug". Une fixeuse est quelqu'une qui porte une solution, c'est sympa, non ?...
Il me semble que des événements ou des situations comme la guerre en Ukraine, l'Aghanistan, le Mali, les femmes en Iran, les Kurdes, prennent un tour beaucoup plus humain et vivant si on les suit à partir des fixeurs, ou du moins de ce que leurs clients nous en laissent voir. Par leur histoire, la situation donnée se met à rayonner dans plein de directions.
Par exemple, Grèce : le commerce lucratif de la GPA - Public Sénat. Voilà ce qu'on y lit :
Nous sommes sûres qu’une partie de l’Etat grec est complice dans ce business. La « fixeuse » (NDLR : personne qui aide les journalistes à travailler dans un pays étranger) avec laquelle j’ai travaillé était vraiment très tendue pendant le tournage, elle avait reconnu des politiques de droite et d’extrême droite sur des photos prises avec le docteur Pantos (NDLR : le directeur de la très réputée clinique Génésis, il dispose de liens étroits avec le monde du show-biz, des médias et même de l’Eglise orthodoxe). Elle n’est pas uniquement fixeuse, elle est aussi enseignante et avait peur de perdre son travail, de subir des pressions, d’avoir des ennuis, même physiquement, si elle portait préjudice à une forme de commerce qui, comme toute activité mafieuse, est très lucrative.
(c'est juste un petit extrait ; tout l'article est intéressant, d'autres détails sur cette histoire à En Grèce, les petits arrangements du business des mères porteuses par France Info)
Donc, il y a d'un coté la Gestation Pour Autrui, et de l'autre une enseignante qui arrondi ses fins de mois et qui n'a rien à voir avec ça, mais tout d'un coup elle a peur parce que des photos lui montrent qu'elle risque sa peau à trop parler. L'activité d'enseignement, par des liens mystérieux, est contrainte par le grand banditisme, la maternité, la pauvreté, et des signes photographiques improbables qui passent d'une table à l'autre. Son engagement devient couteux parce que l'enseignement devient contradictoire avec trop connaitre la gestation.
C'est vrai que, sans doute, si elle avait été marchande de fleurs elle aurait aussi eu peur de perdre son emploi, je ne sais pas. Quand on tire des fils, on ne découvre pas des secrets, on ne trouve que des possibilités, des hypothèses, c'est à dire qu'en général elles sont fausses. Il ne s'agit pas de deviner des choses, mais de suivre des chemins errants. Par cette fixeuse, je m'imagine mieux ce qu'est enseigner en Grèce, je m'en souviens mieux, ou ce qu'est vivre en Grèce tout simplement, je peux m'en composer un paysage. Et je crois mieux suivre ces femmes qui portent un enfant pour d'autres, et ce que c'est pour un docteur de s'occuper du bonheur des autres et de la politique de son pays... à moins que ça ne soit un simple criminel. Alors que j'étais sur le plan de l'information et des principes, avec cette fixeuse, j'accède à l'improbable complexité des vies humaines, une multi-dimension, et je peux trouver d'autres informations et d'autres principes... et d'autres vies.
L'église de Valcivières... témoin d'un temps où les batiments publics étaient 20 fois plus gros que les batiments persos dans les villages... Aujourd'hui, c'est l'antenne 4G Orange, paumée quelque part dans la montagne - qui permet aux Cheveyrands - les habitants de Valcivières, c'est comme ça - de déclarer leurs impots.
Sur Commons : File:Église Saint Laurent à Valcivières par l'arrière.jpg
Une chemise pourquoi. Pour faire du théatre. Oui ça va bien.
Un petit carrefour dans le petit village de Valcivières. C'est en Auvergne, disons le Livradois, vous connaissez. C'est le village principal. Wikipédia nous fait la liste des hameaux alentours ; il y en a... 65. "Albafont", me fait penser à la pétanque, "l'Artaudie" on dirait le pays d'Artaud, "Balayoux" un salut de retrouvailles, "le Bégonin" un truc africain, "la Bernardie" un rendez-vous de paysans, "la Boissadie" un lendemain de cuite... il y en a 65 ! À vous de jouer.
Sur Commons : File:Carrefour au point d'eau de Valcivières.jpg
L'une s'est bien accrochée à découvrir les objets dans mon sac, l'autre un peu moins. C'est ma brosse à dent qui les a étonnées, je l'avais oubliée d'un précédent voyage. J'ai pensé à ranger le dentifrice mais pas la brosse à dents. Et puis le tram est arrivé alors avec elles sont parties. Un type qui observait notre manège à coté en rigolant à part lui me dit qu'une brosse à dents sans dentifrice c'est un peu comme des frites sans ketchup. Et dans la foulée il me demande 3€. Je refuse, alors il me demande de me casser.
Pas de photos, non. Puis ça n'est pas de la mendicité mais c'est du travail. C'est à cause de ses parents, qui sont méchants, il n'a jamais vu des parents aussi méchants que les siens. Chez lui c'est une véritable secte et il ne peut rien y faire. Voilà pourquoi il fait la mendicité dehors. Il a 41 ans mais ses parents lui bloquent tout. Dehors, il est libre. Mendiant, il fait ce qu'il veut, il va où il veut. Il vient à Saint-Étienne et là il est heureux. Il a sa petite amie à Lyon et là aussi il travaille bien.
J'ai déjà parlé d'elle, de ce qu'elle m'a dit, montré ou fait. Voilà la photo maintenant. Elle m'a tout de suite dit oui, puis a commencé par ranger "naturellement" ses oeufs. Évidemment, c'était un peu téléphoné. Je suis pas hyper satisfait du rendu de l'ombre. Je sais pas comment j'aurais du faire, c'est un problème non résolu pour moi. J'ai l'impression que dans l'ensemble ça montre bien une petite activité dans un marché de productrices - ou, ici, d'aide producteurs, puisque cette femme est enseignante.
Sur Commons : File:Marchande d'oeufs qui fait des boites d'oeufs.jpg
Deux femmes un peu paumées avec plein de bagages. Elles sont plantées entre la gare et le tram. Elles regardent alentour, attentives à ce qu'il pourrait y avoir au delà de l'horizon. Posant leurs regards sur moi elles me répondent oui. Aussitot une autre femme qui marchait là les aborde leur demande comment fait-on pour aller au service chirurgie de l'hopital nord depuis la gare. Elles se regardent du genre "qu'est-ce qui nous arrive ? " et, me tenant peut-être pour venant d'au delà de l'horizon, l'une me regarde et lève le pouce vers le haut pour ma belle chemise.
La fatigue est bizarre. En mouvement, étonné de voir qu'on peut encore mettre un pied devant l'autre, porter, réfléchir. Arrêté, étonné de voir que je m'écroule.
Un bel arbre... J'ignore ce que c'est comme sorte d'arbre. J'y connais rien en botanique, ni en grand chose d'autre, et je me retrouve à identifier des choses de mes photos que je connais pas. La photo montre quelque chose, en général quelques mots viennent - arbre vert ciel - et de là on peut passer à une histoire, mais on est déjà loin de ce qui est montré, méchament découpé par le cadre. Et, pourtant, il me semble, on retrouve l'objet, ou une part de cet objet, quelle histoire raconter ? Pour celle-là je suis pas allé plus loin que "bel arbre" : c'est ce que les gens qui regardent cette photo me disent, en général. Oui parce que oui, au moment où je traitais cette photo j'étais entouré par diverses gens de passage et, en apercevant mon écran dans leur passage, me disait "Ah ! oh ! bel arbre ! " Alors, puisque c'est ce que les passants portent.
Sur Commons : File:Bel arbre dans le parc des Maisons Neuves.jpg
Après avoir poncé, poncé et reponcé, des heures, des heures et des heures, un homme ponçant se recouvre d'une fine poussière de bois. Donc il n'y a pas qu'après la mort qu'on retourne à la poussière, mais c'est également quand on ponce toute une journée avec une ponceuse électrique.
La résine coule. À l'ombre, elle satine un petit peu, léger brillant. Il faut appliquer une couche continue, n'oublier aucune surface.
