Elles affichèrent dès le départ la figure de personnes qui voulaient pas qu'on les emmerde. Le monsieur avec elles restait plus neutre. L'une admit que l'école primaire c'était chiant, l'autre que l'avion était trop cher. À peu près tout. Regarder ailleurs, bouche froncée, nez replié, les oreilles applaties, dos courbé.
Quoi ? Non. Y'a quoi ? Lunettes noires, cheveux noirs coiffés serrés. Avec la première mais plus souriante. Il y a une boutelle d'eau ! Non, non sauf s'il y a mille euros dans votre sac. Madame il y a 500 euros ! Non non ils sont même pas dans votre chapeau. Il y a plus ! Non non non, vous le voyez ça n'est pas vrai.
Elles se rapprochent vivement de moi, m'examinent rapidement dans tous les détails. Ça vous va bien au teint qu'elles me disent. Et comme je suis content je lève les bras au ciel.
Une demi-douzaine de femmes discutent, assises, ensemble. Je leur demande si ma chemise est belle. Silence, elles se regardent. En leur langue elles échangent quelques mots. L'une me répond oui. Je tourne sur moi même, disant oui joyeusement, elles me disent oui, oui.
Trois femmes assises par terre contre un immeuble. Une dame, deux ados. La dame fait la manche. Je donne 1€. La première ado repose sa tête sur une des épaules de la dame, la seconde ado fait de même à la suite sur la première. Elles seraient sur un canapé qu'elles feraient pareil. Toutes un regard morne. Je commence à leur raconter ma vie. Elles me voient, se regardent, échangent quelques mots. "Je n'ai pas le français", me dit la dame. Les deux adolescentes me mattent de dessous, confirment de la tête. Je lève les bras au ciel, me désolant qu'on ne puisse bavarder. La dame me répond qu'elle est désolée, les deux ados me regardent partir.
Elle me répondait par des c'eeeeeeest bien, ou çaaaaaaaa va, ou aaaaaah oooooooooooui. Elle m'a dit que mon sac ne l'intéressait pas, mais c'est amusée en me voyant faire l'hélicoptère. Elle était assise, ou tombée, sur le banc d'une table de picnic, une boite de bière en repère devant elle. Elle ne parraissait pas ivre, mais un peu triste, ou un peu lasse. Bien sapée, mais lasse. Nous avons fait brièvement connaissance, ou reconaissance.
Ils, elles, me trouvaient très bien. Mais moi je me sentais un peu ridicule. Une demi-douzaine, sentant peut-être ma sensation de ridicule ils se marraient ou elles souriaient à grandes oreilles, voulant me rassurer. Une m'a demandé pourquoi c'était, j'ai répondu pour sortir en ville, pour rester général. Sortir en ville, ça a confirmé à tout le monde que j'étais très bien, encore plus de sourires.
Elle me montre un papier minable où il y a écrit, à la main, au stylo à bille, OEUF FARINE COCA COLA BISCUITS EAU. Je lui donne 1 €. Je lui déballe mon sac, lui montrant ce que j'ai. Elle sourit, s'intéresse. Son langage, sa parole, sa voix, c'est trois mots et sa liste. Au fur et à mesure que je sors des choses de mon sac, on bavarde par le regard qui va d'une de ces choses à une autre et par des expressions de nos visages.
Un couple de jeunes, assis sur un banc. Au début je les ai dérangés, elle et lui m'ont écouté poliement, mais, m'ont dit plus tard, à Saint-Étienne on s'ennuie un petit peu, alors... mais si vous faites ça avec d'autres, vous allez vous faire rembarrer. Au début ces jeunes se maraient, plus de la situation présente bizarre avec un mec qui raconte sa vie, que de ce que je leur disais, et puis l'un ou l'une me posa une question, puis d'autres, pourquoi j'ai raté ma scolarité, si j'étais pied-noir, pourquoi j'étais tout le temps dans la région parisienne et je suis maintenant à Saint-Étienne, et quels étaient mes sentiments amoureux, et alors, pourquoi, comment, d'où, mais... Ils savent tout maintenant.
Vous avez tout votre appartement dans votre sac. C'est marrant qu'on dise ça à moi, qui rencontre tant de gens pour lesquels c'est vrai. Mais je les rassure. J'explique la raison de chaque chose. Arrive une dame que personne n'avait vu venir, qui occupe la dernière place du banc, mais repart aussitot. Je dois m'interrompre pour elle. Moi aussi on comprend pas pourquoi. Ça nous divertissait, un petit peu.
Toute une famille assise sur un banc, je ne l'ai compris qu'après les avoir abordés : un homme, une femme, 2 filles, l'air tristes, encapuchonées sous leur manteaux, fixes. L'homme finit par me répondre, en langue étrangère. Je comprends qu'ils ne me comprennent pas. J'essaie de leur montrer que je les salue, que je comprends qu'on ne se comprend pas. J'essaie de leur dire que je leur dis bonjour et au revoir. L'homme s'animant un peu me répond quelque chose en sa langue, dégageant sa tête de sa cagoule pour me dire quelque chose qui ressemble à un salut, et les filles et la femme me regardent partir d'un air morne.
C'est la veste qui va pas. Cette idée leur est venue, et aussitot elles étaient d'accord ensemble. Si je ferme complètement ma veste en remontant la fermeture éclair, cachant la chemise, alors c'est bien aussi. Si on voit la chemise alors c'est la veste qui va pas, si on voit la veste alors c'est la chemise qui va pas. Elles étaient toutes deux assises sur un banc, je ne les ai pas beaucoup dérangées, elles ont examiné mon cas personnel, se saisissant de la question "avec ou sans veste", alors que je les avais interrogées sur ma chemise.
Toujours marrant de voir un petit sourire poindre chez de totaux inconnus. Je me dis ah ! j'ai réussi quelque chose. Elle regardait son smartphone et tenait une cigarette à la main, bien plantée sur le trottoir, juste à la sortie d'un troquet, comme font les habitués des petits bars. Le café c'est chez eux, le quartier c'est leur jardin. Quand elle sort elle s'arrête juste devant "sa" porte, et regarde autour d'elle. Et une fois qu'elle m'a confirmé que je me tenais bien moi aussi, elle a pris son petit sourire et m'a dit "oui merci pareillement."
Quatre dames, dont l'une, très agée, est en fauteuil. Les autres l'entourent, agées aussi, une génération de moins. Pourquoi faites-vous ça ? Vous avez tout à fait raison mais nous, on s'en va.
Elle pianote son smartphone, assise sous un abribus, tranquille, son cabas plein de commissions. Me regarde par dessus ses lunettes, et me dit que je suis présentable. Elle reprend son piano, avec un petit sourire.
À chaque fois que je posais quelque chose par terre elles se regardaient. Elles chuchotaient entre elles rapidement. À un moment elles se sont levées et sont parties sans un mot.
Ils, elles, s'étaient installées, sur un banc public, en dehors des animations de Noël. Le couple prenait un repas, sandwichs, canettes et gateaux. Il a approuvé tous les objets que je sortais de mon sac par des grands oui de la tête sans s'arrêter de manger. Juste quand je leur ai dit au revoir leur bouche a dit au revoir en réponse.
Des femmes style musulmanes, l'une un peu ronde, l'autre plus fluette, un joli accent, des mouvements dynamiques. Elles me disent que je suis très bien. Elles sont sympas. Malheureusement elles n'ont pas l'air de vouloir se préoccuper de moi beaucoup plus.
Ils étaient une dizaine, mi-accueillants mi-hostiles. Je leur demande si ma tenue est correcte. L'un d'eux me dit de me casser. Ils passaient l'après-midi autour d'une table de ping pong en béton dans un parc.
Elle machouille un chewing-gum, avance lentement sur le bord du trottoir. Ça monte, mais son allure exagère la difficulté. Elle est fière de sa lente avancée d'amiral, vêtue comme un matelot en permission dans une escale, avec son chewing-gum. Elle me regarde un instant, me fait oui, et continue seule.
Ça ne m'intéresse pas ce qu'il y a dans votre sac ! Moi j'fais la manche !... Et je l'engueule à mon tour. Ça ne m'interesse pas que vous faites la manche ! On se sépare très mécontents d'avoir rencontré pareil imbécile.